Avant-hier la pluie à Brest.
Hier le froid à Bruxelles. Aujourd’hui la neige à Montreuil.
Demain le mistral à Marseille peut-être. Le temps trépasse et les jours passent aussi rapides que des courants d’air.
Dans le train pour Bruxelles, Marguerite s’endort dans le compartiment du wagon restaurant. Tout l’enchante : « c’est encore mieux que d’être en première. »
Nous débarquons sur les sirènes de police et ce son m’évoque immédiatement la Belgique. Géographie intime : à quoi tiennent nos frontières ?
Une bise à la place de deux, ce rituel me resitue aussi.
Le soir, La Foret – vert presque vert - d’Arcas.
Noyé sous un pardessus, le regard ardent, je le retrouve quasi inchangé. La mise en forme du spectacle déclenche en moi un fou rire incoercible que je mets sur le compte d’un agacement persistant mais je reçois avec plaisir le texte :
(…) Je me trouvais là en suspension, là, au niveau du plafond du quatrième étage, avec rien sous moi, là, avec rien à quoi se raccrocher. Le tumulte de la soirée, la chaleur écrasante du mois de juillet, le bar où je devais me rendre, tout ça, complètement détaché de moi. Et, moi, là, en suspension. Quinze mètres au dessus du sol. Un centième de seconde, approximativement, mais, en suspension. Complètement détaché… Du sol, du plafond, des murs. Seul. Et, quand on est là… L’unique échelle du temps qui soit réelle est la nôtre, celle que l’on éprouve. Et après, une longue, très longue descente, très douce, très lente, à mon rythme, pendant la seconde et demi la plus longue de ma vie… Un moment très calme. (…)
Dans le foyer du théâtre, un Disk-jokey s’exaspère et d’anciens visages m’apparaissent. Celui de Raphaelle Blancherie, presque inchangée, elle aussi et perdue depuis de longues années. Je la regarde avec émotion.
Le lendemain matin, j’apprécie seule, les natures mortes qu’ Hélène compose dans son appartement.
Marguerite investit le lit tranquillement dans lequel elle lit.
Dehors, le marché de noël s’épuise. Sous le froid, les touristes se font photographier en costume mongol. Voyage à bas prix pour un exotisme de pacotille. Plus loin, un somptueux manège vacille chargé d’enfants juchés sur d’improbables sculptures et un père noël flamand fait entrer grands et petits dans la gueule du monstre. Derrière les vitrines, les manneke pis veillent sur la nuit qui descend…
Anne-Sophie monte le mont royal et pose devant une immense façade décorée de lampions chinois ; je photographie le chantier devant la gare centrale. Je ne connais Bruxelles qu’en travaux, traversée de bruits de chantier.
Nous arrivons dans le noir, en retard à la pièce Loin de corpus christi. Durant deux heures, je voyage avec bonheur dans la fresque que Christophe Pellet propose. J’entends sa langue comme je n’avais encore jamais lu son écriture. Celle-ci devient charnelle et les images projetées se mêlent au fond avec fluidité. La mise en scène brille par son intelligence. Dans le foyer, à l’arraché je photographie Christophe et Matthieu, flottants dans un cadre flou.
Le lendemain, à la sortie du GB, je sors, les bras chargé de bières, sauce cocktail et autres petites cochonneries. Marguerite imite les portraits photographiques de nouveau-nés qui ponctuent, les trottoirs.
Greg nous accompagne jusqu’au métro. Le train nous attend, derrière la vitre, un double soleil. Et tiens, si je perdais mon téléphone portable là-bas ?